Qu’il s’agisse d’une dépendance vis-à-vis d’une autre équipe, d’un fournisseur externe, d’un manque d’informations, d’une décision qui n’arrive pas, d’un problème technique ou de l’absence des compétences nécessaires, chaque système de flux de travail rencontre tôt ou tard des obstacles qui ralentiront ou même bloqueront complètement la livraison de valeur.
Dans une recherche d’optimisation du flux, il est crucial de minimiser ces blocages pour maintenir la fluidité et prédictibilité.
Mais les blocages internes doivent-ils être traités différemment des blocages externes ?
Tout d’abord, quelle est la différence entre ces deux types de blocages ?
Comprendre la nature des blocages
Avant de décider comment agir, clarifions ce qui distingue un bloqueur interne d’un blocage externe.
Pour ce faire, introduisons les notions de champs de contrôle, de champs de redevabilité, de sphère d’influence et au-delà.
- Champs de contrôle : Ce sur quoi l’équipe ou l’individu a une responsabilité et une autorité totales.
- La sphère d’influence : celle que l’équipe ou l’individu ne contrôle pas directement, mais sur laquelle il peut avoir un impact, par exemple en proposant des améliorations, en négociant des changements ou en sensibilisant, ou encore en persuadant les décideurs (ceux qui ont le contrôle sur ce domaine).
- Au-delà de la sphère d’influence : Il s’agit d’un espace où l’équipe ou l’individu n’a aucun contrôle, responsabilité ou influence.
Entre le champs de contrôle et la sphère d’influence, on trouve un champ intermédiaire : le champs de redevabilité (zone d’obligation de rendre des comptes). C’est le domaine dans lequel une équipe ou un individu s’engage, mais qui nécessite une collaboration et une délégation avec d’autres acteurs qui partagent le même objectif.
Un blocage interne sera qualifié ainsi s’il intervient dans le champ de contrôle ou de redevabilité. Ils vont apparaître au sein de l’équipe ou du système de travail d’équipe d’équipe liées par un objectif commun. Ils peuvent être liés à des défauts de processus, un manque de clarté de communication, une prise de décision interne qui n’arrive pas à se faire ou qui se fait sans consensus et acceptation du collectif.
Un blocage externe quant à lui sera quelque chose qui interviendra dans la sphère d’influence ou au-delà. Il implique donc des parties prenantes ou des systèmes externes. Ils incluent les dépendances sur d’autres équipes en dehors du champ de redevabilité, des contraintes organisationnelles (ex. : validation légale, conformité), ou encore des fournisseurs tiers.
Leur impact est le même : un élément de travail ne peut plus avancer, ce qui allonge son temps de cycle, provoque de la variabilité et donc réduit la prédictibilité et au final réduit la possibilité de créer de la valeur.
Comment traiter les blocages internes ?
Les blocages internes sont plus facilement actionnables, car ils sont sous le contrôle direct de l’équipe ou d’un système d’équipes, d’individus partageant un objectif commun. Voici quelques stratégies clés :
Visualiser et signaler immédiatement
- Utilisez un signal visuel fort sur votre Kanban board (ex. : une couleur spécifique, un sticker).
- Encouragez une culture de transparence où signaler un blocage est vu comme un acte de responsabilité, pas une faiblesse.
Analyser les causes profondes
- Pourquoi cet élément est-il bloqué ?
- Est-ce un problème récurrent ?
- S’agit-il d’un problème structurel ?
Techniques utiles : diagramme de Pareto, root cause analysis, 5-Why, evaporating cloud
Limiter l’accumulation des blocages
- Plus le WIP (nombre de travaux en cours) sera contrôlé, moins il y a de risques de voir des blocages internes apparaître. Une approche essentielle dans le contrôle du WIP est le contrôle de l’âge des éléments.
- Identifier la contrainte du système et la “protéger” avec la mise en place d’un tampon (DBR Kanban board). Cette approche permet de contrôler la zone la plus critique du système et le risque d'aggraver la situation si non maîtrisée. Le système devient plus stable, moins sujet à ce que le travail ne circule plus fluidement dans le système.
- Si trop de blocages internes interviennent, l’équipe doit revoir son système en profondeur. L’approche de résolution incrémentale n’est potentiellement pas la meilleure à suivre. Comme on dit : "Aux grands maux les grands remèdes".
Expérimenter et adapter
Plus le système sera complexe, plus il sera difficile de prédire les effets des actions mises en place. Il sera nécessaire d’appliquer une approche empirique.
La bonne nouvelle c’est que ce sont des blocages internes, dans le champ de contrôle du système concerné et donc maîtrisables, gérables par celui-ci. Sur ce type de blocage, le système est maître de son destin.
Qu’en est-il des blocages externes ?
Comment gérer les blocages externes ?
Les blocages externes sont plus difficiles à contrôler, à résoudre, mais cela ne signifie pas qu’ils doivent être subis passivement.
Gérer les dépendances en amont
- Anticipez les points de blocage possibles en cartographiant les dépendances, en étudiant le risque et l’impact d’une potentielle limitation externe
- Collaborez pour établir et connaître le niveau de service attendu (service level expectation - SLE) avec les équipes externes. Ceci permettra de mettre en place un flux de communication basé sur des alertes factuelles de risque de décalage qui vous impacteront. Cette connaissance du niveau de service attendu permet d’identifier les risques du plan que vous dessinez et d’anticiper en conséquence.
Créer une transparence organisationnelle
“Les promesses n'engagent que ceux qui les croient”.
Il va se passer des choses imprévues chez vous mais également chez ces équipes externes auxquelles vous êtes liés.
Visualisez clairement comment le travail circule tant chez vous, qu’en externe est crucial. De votre côté soyez au clair sur le fait que l’élément est dans des mains externes (ex. : une colonne spécifique dans votre workflow "En attente externe sur XXX"). Cela vous permettra de collecter des métriques factuelles et si jamais cet acteur externe ne le fait pas, vous serez en mesure de déclencher l’alerte d’un délai devenant problématique.
L’identification des acteurs clés qui peuvent aider à lever un éventuel blocage et limiter l’impact est clairement quelque chose que vous devriez également envisager.
Instaurer une politique de gestion des blocages
- Définissez des protocoles clairs : combien de temps un élément peut rester bloqué avant qu'une escalade soit nécessaire ? Q’un plan d’urgence soit enclenché
- Si possible, introduisez un mécanisme de contournement ou de solution temporaire pour réduire l'impact du blocage.
Le point commun entre blocages internes et externes
Même si l’impact et les stratégies diffèrent, la finalité est la même : accélérer la résolution et restaurer un flux optimal. Une approche efficace et commune consiste à :
Mesurer les blocages, quelle que soit leur source.
- Suivez les temps de blocage par type (interne vs externe).
- Analysez la fréquence des causes racines.
Créer une boucle de feedback pour éviter qu’ils ne se répètent.
- Si un blocage est récurrent, c’est un signal fort qu’un problème systémique doit être résolu.
- Expérimentez des solutions et mesurez leur impact.
Faire de la gestion des blocages un réflexe collectif.
- En Kanban, le système appartient à tout le monde.
- Plus l’équipe du système Kanban est proactive face aux blocages, plus le système se stabilise et le flux devient fluide et prévisible.
Conclusion : un flux anti-fragile, c'est un flux qui apprend de ses blocages
Les blocages, qu’ils soient internes ou externes, sont des opportunités d’amélioration. La question n’est pas tant "comment les éviter ?", mais plutôt "comment les rendre visibles, les traiter efficacement et apprendre d’eux ?"
Cette approche vous permettra de créer un flux anti-fragile, qui sera résilient à la complexité et donc aux imprévus qui surviendront, et qui en sortira toujours plus fort, amélioré à chaque fois.
Alors, comment votre équipe gère-t-elle ses blocages aujourd’hui ? Quels signaux utilisez-vous pour anticiper et résoudre les interruptions de flux ? Partagez vos expériences !
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